Brest. Fatma Demir : " du simple témoin au meurtrier ".
- EQ.
- 26 oct. 2018
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https://www.ouest-france.fr/bretagne/brest-29200/brest-fatma-demir-du-simple-temoin-au-meurtrier-6037048
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Fatma Demir est traductrice et interprète. Brestoise d’origine turque, elle a récemment fait l’interface entre le capitaine du cargo TK Bremen et les magistrats, au tribunal. Rencontre.
« C’est un travail qui implique des responsabilités. On peut être amené à traduire tous types de profils, du simple témoin jusqu’au meurtrier en passant par le voleur. »Fatma Demir est née à Brest, de parents d’origine turque. Dix à quinze fois par mois, cette assistance commerciale, qui a longtemps hésité entre des études de langue et de droit, collabore avec la justice pour traduire les paroles des turcophones entendus par la police ou les magistrats.
« Au début, j’étais appelé ponctuellement par la gendarmerie, j’ai ensuite fait une demande d’assermentation en 2010. Après 3 ans de période probatoire, j’ai obtenu l’agrément. » Depuis, elle rayonne sur tout le Grand Ouest pour des missions variées : interprétariat au commissariat, au tribunal, traductions d’écoutes téléphoniques ou encore présence durant les perquisitions.
Différences culturelles
En plus des termes juridiques complexes et des différences entre les droits turc et français, la tâche est parfois compliquée par les différences culturelles. Il faut alors faire preuve de pédagogie. « Par exemple, en Turquie, se balader avec de grosses sommes d’argent sur soi est très courant, alors qu’en France ça peut paraître louche. Il faut faire comprendre ça aux uns et aux autres pour éviter les malentendus. »
Elle raconte aussi cet épisode où un couple turc voulait se marier le plus vite possible. Les autorités soupçonnaient un mariage en France pour les papiers, mais « en Turquie, on ne peut pas emménager avec son conjoint tant qu’on n’est pas marié. D’où la volonté des parents d’accélérer les choses. »
« Traduire aussi les insultes »
Il faut aussi s’aligner sur le niveau de l’interlocuteur, « expliquer les termes juridiques, et connaître parfaitement les deux langues, explique Fatma. Dans le cas du procès du TK Bremen*, le commandant était très instruit et au courant, ça facilitait les choses. » Pour ce procès, elle a dû réviser le vocabulaire technique maritime, ce qui peut donner lieu à quelques maux de tête. À titre d’exemple, le mot « chasser » a un double sens en français, désignant également le fait pour une ancre de racler le sol sans se fixer, faisant dériver le navire. En Turquie, le terme correspondant est « taramak », et celui-ci veut aussi dire « peigner » ! Gymnastique linguistique…
D’autant que tout, sans exception, doit être traduit. « Nous ne faisons pas de l’interprétation, mais de l’interprétariat : si des insultes ou des gros mots sont prononcés, il faut les traduire. Il y a aussi des gens qui évitent volontairement de répondre aux questions, cela peut créer de la confusion. »
À la fin d’une journée au tribunal, Fatma est souvent exténuée : « Il faut un degré de concentration énorme, car les enjeux pour les gens le sont tout autant. Quand je rentre chez moi, j’ai la tête farcie. » Elle confie avoir eu une seule affaire de meurtre, à Rennes, et ne pas avoir pu dormir pendant trois jours. Mais avoue aimer ce métier « tellement intéressant, et jamais routinier. Il faut savoir se détacher, garder la tête froide, et rester calme en toutes circonstances. »
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