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Les traducteurs judiciaires, nouveaux héros de romans policiers

  • AV.
  • 1 avr. 2017
  • 4 min de lecture

Les traducteurs judiciaires, nouveaux héros de romans policiers

Les interprètes employés par la police et les tribunaux connaissent les ressorts les plus secrets de nos sociétés. Drôles et riches, un polar et un roman leur confient le premier rôle

Le roman noir nous a habitués à des héros aux profils très divers. Outre les classiques inspecteurs de police, les privés et les agents secrets, on a vu arriver les journalistes, les avocats et les juges, quelques écrivains et même des traders. On n’imaginait pas, toutefois, que les talents des interprètes – et des interprètes judiciaires en particulier – puissent à eux seuls nourrir toute une intrigue! Or voilà que deux livres leur font aujourd’hui la part belle: La Daronne de Hannelore Cayre, publié chez Métailié, et Divorce à la musulmane à viale Marconi d’Amara Lakhous, désormais disponible en poche chez Babel.

Bienvenue, donc, dans le monde et dans la tête des traducteurs judiciaires. Des gens au statut précaire, pas très bien traités et qui sont pourtant indispensables au bon fonctionnement de la justice. Sans compter qu’ils en savent beaucoup, parfois un peu trop, sur ce qui se dit, se trame, se joue et se déjoue dans des franges de la société. De là à imaginer qu’une traductrice de l’arabe – langue la plus demandée à Paris – se laisse séduire par ce monde interlope et dérape, il n’y a qu’un pas que Hannelore Cayre franchit avec la liberté qui la caractérise.

Cheveux longs et entièrement blancs

Avocate pénaliste, cette quinquagénaire à l’imagination fertile a choisi – parti pris assez rare – de marier l’humour et le polar. Atypiques, déjantés, parfois un peu brouillons, ses premiers livres, dont Commis d’office (Prix polar derrière les murs 2005) et Toiles de maîtres, mettaient en scène Christophe Leibowitz, un avocat peu reluisant à la morale élastique. Avec La Daronne, elle monte d’un cran dans l’originalité et la maîtrise. Procédant par petites touches et tout en jouant du flash-back, elle donne la parole – et son sens de l’ironie – à Patience Portefeux, 53 ans, traductrice-interprète judiciaire de l’arabe, cheveux longs et entièrement blancs. Sa mère, paralysée par un AVC, vit en maison de retraite et lui cause bien des soucis. Notamment financiers.

Le langage des dealers

Heureusement, Patience a son travail. Des années de bons et loyaux services ainsi qu’un «fiancé» dans la police lui ont permis d’échapper aux audiences et aux gardes à vue déprimantes pour se concentrer sur les écoutes téléphoniques. Sa spécialité: les enquêtes de stups et le grand banditisme. Peu à peu, elle acquiert une réelle expertise en la matière, offrant au lecteur quelques passages hilarants sur les pratiques et le langage des dealers. Et puis un jour, notre interprète tombe sur un dossier différent. Des trafiquants marocains qui n’ont rien à voir avec le milieu classique des truands. Elle prend «tous ces jeunes en sympathie» au point de les avertir qu’ils sont découverts. Elle leur conseille même de jeter dans la nature la précieuse cargaison de shit qu’ils acheminent sur Vitry.

Un bâtard malinois-lévrier

C’est alors que l’auteur abandonne toute vraisemblance pour transformer son interprète en dealeuse sans scrupule. Cette cargaison, que personne n’est en mesure de récupérer, elle va la chercher et l’écouler elle-même. Pour cela, elle décide d’adopter un chien policier à la retraite, un spécimen très vilain dont la description à elle seule est un régal. «C’est vrai, écrit l’auteur, qu’il avait un physique difficile avec sa robe mouchetée noir et blanc, ses oreilles en guidon de vélo et ses trop longues pattes pour un corps de saucisse. Un total bâtard malinois-lévrier mâtiné d’une race indéfinissable.» Mais ADN, c’est son nom, sourit sur la photo qu’on lui présente et, surtout, il est spécialisé dans la recherche de drogue et de billets de banque. Ce chien improbable va donc se retrouver mêlé à de multiples et savoureuses péripéties. Nous ne vous en dirons pas plus.

Réseau terroriste à Rome

Comme Patience Portefeux, le Sicilien Christian Mazzari – le héros de Divorce à la musulmane à viale Marconi d’Amara Lakhous – parle couramment l’arabe. Comme elle, il est interprète. Abordé à la sortie du Tribunal de Palerme par un membre des services secrets, il est engagé pour démasquer un réseau terroriste à Rome – le roman se passe en 2005. Notre homme se laisse pousser la moustache, change de nom et s’installe dans la capitale italienne. Il devient Issa Kamli, un Tunisien fraîchement débarqué et qui rapidement se trouve un lit dans une colocation à 12. Douze dans un 2 pièces. On imagine les embouteillages devant l’unique salle de bains.

Divorce à la musulmane à viale Marconi n’est pas un polar au sens strict. Il s’en rapproche toutefois par son thème, son art du suspense, son regard critique et sans tabou sur la société contemporaine. Né en Algérie en 1970, établi aujourd’hui à New York après avoir vécu à Rome, l’écrivain Amara Lakhous nous offre aussi un très beau personnage de femme, lucide et résistante. Sofia l’Egyptienne est mariée, voilée pour obéir à son mari, très belle et malheureuse en ménage. Notre interprète, bien sûr, en tombera très amoureux.

«La Daronne». De Hannelore Cayre. Métailié, 172 p.

«Divorce à la musulmane à viale Marconi». D’Amara Lakhous. Babel, 222 p.

 
 
 

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