top of page

Mahipal, payé "au black" par l'Etat pour écouter les terroristes

  • AV.
  • 2 sept. 2015
  • 3 min de lecture

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/mahipal-paye-au-black-par-l-etat-pour-ecouter-les-terroristes_1711828.html

__________

Interprète-traducteur, Mahipal Singh est l'une des 40 500 personnes qui travaillent pour le ministère de la Justice sans être déclarées. Il raconte à L'Express son quotidien dans les tribunaux, commissariats et autres scènes de crimes. Un travail sensible pour lequel il ne reçoit aucune considération.

La vie de Mahipal Singh pourrait nourrir le scénario d'un film. Cela tombe bien, cet Indien de 34 ans, né dans le Rajasthan et arrivé en France en 2003, est comédien une partie de l'année. "J'ai joué le garde du corps de José Garcia dans Chez Gino", s'amuse-t-il, évoquant également des petits rôles dans des "téléfilms sur Arte".

Mais, malgré sa longue crinière noire d'acteur de Bollywood, Mahipal ne gagne pas suffisamment sa vie avec le septième art. Alors, il travaille la plupart du temps pour le ministère de la Justice en tant qu'interprète-traducteur. "Un tuyau" fourni par un proche du temps où il officiait à l'ambassade de l'Inde. Hindi, ourdou, pendjabi, gujarati, anglais en plus d'un français impeccable: le trentenaire maîtrise toutes les langues de la zone indopakistanaise et il est un chaînon essentiel dans les dossiers criminels et terroristes, de l'enquête judiciaire au jugement.

"A la Justice ou devant une caméra, le métier est excitant et passionnant, j'apprends énormément. Mais dans les deux cas, c'est précaire. D'un côté, je joue et gagne peu, de l'autre, je ne suis qu'un décor pour les autorités", résume-t-il avec humour. Car Mahipal est l'un de ces 40 500 collaborateurs de la Chancellerie à travailler "au noir", une situation absurde dénoncée dans un rapport publié ce mercredi par Le Canard enchaîné. "Je ne suis pas déclaré et je n'ai aucun contrat de travail. Je reçois ma paie (environ 40 euros par heure) par virement ou par chèque et souvent avec retard. L'Etat me doit encore actuellement entre 20 et 25 000 euros", raconte ce travailleur de l'ombre.

Dans "Chez Gino" (2011), Mahipal Singh joue le rôle d'Akim, le garde du corps de José Garcia (à droite).

Youtube / Fidelite Films

"Les psychiatres me demandent si un suspect est fou"

Mahipal ne sait jamais exactement combien il va toucher chaque mois ni quand il va travailler. Alors il garde toujours son téléphone près de lui. Quitte à être réveillé en sursaut. "On peut m'appeler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, week-end et jours fériés. Le nombre de fois où j'ai été envoyé la nuit à l'autre bout de l'Ile-de-France pour notifier une garde à vue..." Un statut ingrat et "inhumain" qui contraste avec l'importance de ses services. Au commissariat ou au tribunal, c'est lui qui fait la liaison entre un suspect ou un prévenu avec les enquêteurs et les juges. Chacune de ses paroles est bue.

"C'est beaucoup de responsabilités. Sans nous, des dossiers n'avanceraient pas. On m'a déjà demandé de décoder le comportement d'un suspect, de dire s'il est sincère et s'il ne ment pas. Même dans les affaires de viol, les psychiatres me demandent si je pense que l'individu n'est pas fou", souffle Mahipal. Et lorsqu'on bascule sur des affaires de terrorisme, il n'a pas le droit à l'erreur. Direction les locaux de la DGSI, vissé sur un siège durant des heures avec un casque sur les oreilles. Le travailleur raconte avoir dû écouter des Pakistanais revenus en France après s'être entraînés dans des camps de combat. D'autres fois, de simples Français partis en vacances. "Heureusement, les cellules terroristes pakistanaises sont rares ici contrairement en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis!" Il frisonne à l'idée d'espionner un Kouachi ou un Coulibaly.

"On entend le malheur des gens, on s'attache"

Les écoutes peuvent s'éterniser, des mois voire plus d'une année. Mahipal est souvent déboussolé lorsqu'il rentre dans l'appartement de l'un de ses amis, faute de propriétaires qui acceptent de lui louer un bien. "Ce n'est pas simple. On entend le malheur des gens, on connait tout de leur vie. Parfois, on peut même s'attacher", observe-t-il, citant le cas de "gens qui font n'importe quoi pour s'en sortir". Le comble, c'est lorsqu'il est mis sur des dossiers d'ateliers et de travailleurs illégaux. Il en plaisante. "Je suis quasiment dans le même cas qu'eux!" Mais c'est beaucoup moins drôle lorsqu'il récolte des insultes. "Des membres de la communauté m'ont déjà reproché de bosser pour les flics, de les trahir. Moi, je veux juste faire mon travail honnêtement." La compassion pour son travail, notre homme n'en reçoit jamais.

Sans cotisations retraite et sans Sécu, Mahipal a bien tenté de protester auprès de l'Etat. Mais il n'est rien au sein de l'administration française. La situation des travailleurs comme lui est connue de tous et depuis bien des années. "Un système hérité", tente de se dédouaner la Chancellerie ce mercredi. Les poursuites judiciaires, Mahipal n'y pense pas davantage. "Je n'ai pas les moyens de me payer un avocat et réclamer justice à la Justice, cela me paraît juste fou..." Le trentenaire a surtout peur des conséquences car, après tout, il "adore" son job. Et ne l'échangerait même pas contre un premier rôle.

 
 
 

Comments


À l'affiche
Revenez bientôt
Dès que de nouveaux posts seront publiés, vous les verrez ici.
Posts récents
Par tags
Nous suivre
  • Facebook Classic
  • Twitter Classic
  • Google Classic

Contact :

Anna VARDANYAN ı 2, rue des oiseaux ı 49240 AVRILLÉ

Tram : Ligne A, arrêt  Terra Botanica | Bus : Ligne 7 - arrêt Kennedy ou Ligne 3 - arrêt Champ des martyrs

téléphone : 06.31.88.20.84 ı courriel : contact.avtraduction@gmail.com

SIRET : 81967752700015 ı NAF : 6910z

__________

Conception : E.QUÉMÉNER ı Création :  05/2016 ı Validation : 06/2016 ı Mise à jour : 05/2019 ı Droits réservés.

bottom of page