Les interprètes judiciaires payés au lance-pierres
- AV.
- 8 nov. 2010
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Les interprètes judiciaires payés au lance-pierres
>Île-de-France & Oise > Seine-Saint-Denis > Bobigny|08 novembre 2010, 7h00|0
Bobigny
Comment convaincre son banquier lorsque l'argent n'arrive plus depuis des mois? Voici l'épineuse question à laquelle sont confrontés nombre d'interprètes judiciaires qui travaillent à Bobigny. Le deuxième tribunal de France en nombre d'affaires recourt massivement aux interprètes, notamment en raison de la présence de l'aéroport de Roissy dans son ressort. Moins longs, certes, les retards existent aussi à Paris et dans d'autres tribunaux de France. A Senlis (Oise), on règle encore des frais de 2009. L'histoire semble s'acharner sur ces auxiliaires de justice à la profession mal encadrée . Les situations décrites sont ubuesques : 100 € un mois, 25 € le suivant, 42 € un autre… « Je ne touche presque plus rien depuis neuf mois alors que ma rémunération dépasse 3500 € par mois », admet un interprète qui préfère rester anonyme. Travaillant depuis vingt ans, principalement en Seine-Saint-Denis, il jongle avec les emprunts. Une de ses consœurs rencontrée à Paris assure qu'on lui doit 35000 €. « Ma banquière ne suit plus! » avoue cette mère de deux enfants. « On nous sollicite sur des affaires de travail dissimulé avec des exploiteurs qui versent des salaires de misère à des sans-papiers… Nous, on a des papiers, on travaille quinze heures par jour et on n'est pas payés. Qui est exploité? » reprend le premier, inscrit à l'Urssaf et qui se demande comment payer ses charges de fin d'année. A la présidence du tribunal comme au parquet de Bobigny personne n'a voulu répondre à nos questions, renvoyant sur la chancellerie. « Les 30 M€ débloqués par le ministère de la Justice vont permettre de payer les frais de justice et de mettre en paiement les créances les plus anciennes », avance Guillaume Didier, porte-parole du ministère. Il annonce en outre des contrôles renforcés. Les abus sont connus dans la profession. De fausses notes de frais, des interprètes qui ne parlent pas la langue indiquée, ça existe. Sauf que des centaines d'autres travaillent au quotidien pour la police et la justice, sur réquisition, parfois plus de douze heures par jour. Pour être payés, les interprètes déposent des mémoires, une note de frais par mission. « Il y a dix ans, à Nanterre (Hauts-de-Seine), on était payés en liquide lorsqu'on remettait cet ordre de mission, à Paris et Bobigny, c'était déjà par virement, jusqu'à six mois plus tard », se souvient une traductrice. Différentes mobilisations ont débouché sur quelques améliorations mais le statut de ces auxiliaires de justice est toujours imprécis. « On est les petites mains de la justice », déplore David Barbier, président de l'Union des traducteurs et interprètes (UTI), association créée en 2004 qui compte une centaine d'adhérents. Pour lui, le « mépris des autorités est lié au fait que notre profession n'a pas de cadre juridique ». A Bobigny, où la salle des pas perdus est en chantier, la pilule passe mal : « Pourquoi engager des travaux si on n'a pas les moyens de payer les interprètes pour le travail déjà effectué? » Dans une lettre signée du juge chargé du contrôle des expertises au tribunal de grande instance de Paris, en date du 13 septembre 2010, il est indiqué que « la situation devrait se redresser à la fin du mois de janvier 2011 ».
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