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Les traducteurs de justice en ont assez d'être hors la loi

  • AV.
  • 5 avr. 2005
  • 3 min de lecture

http://www.liberation.fr/societe/2005/04/05/les-traducteurs-de-justice-en-ont-assez-d-etre-hors-la-loi_515335

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Le tour de table ressemble à un tour du monde. Ils parlent russe, chinois, roumain, ourdou, serbe, espagnol ou polonais. Ces intermittents de la justice servent d'interprètes aux étrangers arrêtés en région parisienne. Appelés en pleine nuit pour une garde à vue, ou au petit matin sur les lieux d'une perquisition ; requis pour traduire des heures d'écoutes téléphoniques ou un interrogatoire chez le juge d'instruction. Ils naviguent au coeur des procédures, fréquentent toutes sortes de geôles. Mais leur employeur ­ le ministère de la Justice ­ refuse de leur appliquer la législation sociale en vigueur. Comme les autres «collaborateurs occasionnels» qui ne travaillent que pour le ministère, ils n'ont aucune couverture sociale (Libération du 23 mars).

Feu aux poudres. Pas salariés, car le ministère ne veut pas leur appliquer ce régime dont ils dépendent pourtant depuis un décret de janvier 2000. Pas indépendants non plus, puisque l'Urssaf leur oppose l'existence de ce décret. Après des années d'illégalité forcée, les interprètes se rebiffent. Une cinquantaine d'entre eux s'est constituée en association, l'Union des traducteurs et interprètes (UTI). Mercredi soir, lors d'une ultime réunion, l'UTI manifestait son intention de porter l'affaire devant le tribunal administratif. Il s'agit notamment d'attaquer une note du TGI de Paris qui a mis le feu aux poudres, l'été dernier.

A l'époque, de plus en plus de traducteurs réclament l'application du décret de 2000. «En réponse, on nous a pondu cette note, un vrai chantage», explique Sandra. Daté du 17 juin 2004, le texte peut se résumer ainsi : inscrivez-vous à l'Urssaf comme travailleur indépendant, sinon on ne vous donne plus de travail, et on bloque le paiement de ce qu'on vous doit. «A l'Urssaf, j'y étais déjà allée plusieurs fois parce que je vivais avec la vague impression d'être hors la loi. On m'y a toujours fait la même réponse : vous n'avez qu'un employeur ; vous dépendez du régime général», poursuit la jeune femme.

Tous se sont sentis poussés à faire de fausses déclarations à l'Urssaf. «De fait, certains interprètes se sont inventé des clients privés pour être immatriculés», explique Michel (1). Ceux-là ont été inscrits sur une liste officieuse distribuée à tous les services du tribunal. «Nous, nous sommes devenus des intouchables», poursuit-il. Certains continuent à être sollicités par des juges ou des policiers qui apprécient leur travail. Mais les règlements sont bloqués, pendant des mois. «On nous a carrément coupé les vivres», indique Carmen qui s'est retrouvée dans une situation financière catastrophique. «Il a fallu s'entraider pour payer les loyers», raconte Sandra.

A la présidence du TGI de Paris, on assure que les arriérés sont désormais réglés. «De plus, les difficultés d'inscription à l'Urssaf ne concernent qu'une petite minorité des 372 interprètes inscrits au tribunal dans 76 langues différentes. La plupart sont des indépendants qui ne travaillent pas qu'avec le ministère.» Ce que conteste l'UTI. «L'expert finlandais a un autre travail, évidemment. Mais dans les langues très demandées, on ne peut rien faire à côté», remarque Léa. «Si on n'est pas toujours disponible, on cesse de nous appeler», renchérit sa voisine. «Et quand on part pour le commissariat, on ne sait jamais si ça va durer deux heures ou deux jours», signale un troisième. Difficile de gérer d'autres employeurs dans ces conditions. Les clients privés potentiels ne sont d'ailleurs pas forcément fréquentables. «On ne peut être à la fois prêtre et voleur», résume une traductrice roumaine qui dit avoir repoussé des offres, formulées parfois sous le nez même du juge, par des mis en examen.

Les interprètes expriment d'ailleurs un besoin de reconnaissance et de statut. «C'est un vrai travail», martèle une interprète en chinois. Arriver en cours de procédure, après l'intervention d'un collègue, peut réserver bien des surprises : «Parfois, le mis en examen n'a rigoureusement rien compris à ce qu'il a signé en garde à vue.» Dans la région parisienne, la demande d'interprètes peut émaner d'au moins 500 lieux différents. Qui choisit ? Le juge, le greffier, un éducateur, le policier de l'accueil... C'est selon.

Double casquette. «Dans certains commissariats, la longueur de la jupe de l'interprète n'est pas le moindre critère de sélection», ironise Léa. Dans d'autres, on appelle le collègue policier polyglotte qui veut arrondir ses fins de mois. Sans que l'avocat soit forcément au courant de la double casquette de celui qui l'aide à comprendre son client... En général, on ne demande rien d'autre à l'interprète que de prêter serment. «Même les Renseignements généraux se sont fait avoir avec un traducteur arabe qui sortait de prison pour fabrication de faux papiers», ricane Milika.

(1) Certains prénoms ont été changés.

Jacqueline COIGNARD

 
 
 

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